Les cons, ce sont les autres, ceux dont les idées ne nous plaisent pas et que dans les cas extrêmes, nous qualifions de « nauséabondes » pour dire que ce sont des idées qui puent. A une époque, certains caricaturistes dessinaient Jean-Marie Le Pen avec une gueule ouverte d’où sortaient des mouches ou autres insectes issus d’un corps putride.
Bien sûr, ce qui est grave dans cette histoire c’est que ce mur des cons a été patiemment élaboré par des magistrats, censés être neutres et indépendants de tout pouvoir et non par des lycéens qui s’amusent à la récréation à caricaturer leurs profs ou leurs condisciples.
On peut s’interroger. Ces hommes et ces femmes ne sont pas plus fous et idiots que la majorité de nos concitoyens. Ils sont même très éduqués, ont réussi à passer des concours difficiles, exercent une profession socialement favorisée et ils ont une moralité certaine. Comment en arrivent-ils à avoir ces comportements de potaches ? Curieusement, on ne s’est pas souvent posé la question. Les condamnations ont abondé, y compris de la part de certains de leurs amis politiques, mais on ne s’est pas vraiment interrogé sur les causes de ce comportement.
Lorsque nous sommes avec un groupe et que nous observons des réactions de ce genre, des rires complices et moqueurs, des dessins griffonnés sur des papiers volants, nous ne nous disons jamais qu’il s’agit de réactions anodines mais nous essayons de comprendre ce qui se passe. Ce n’est jamais indifférent.
Il y a d’abord un esprit de clan. Certains magistrats peuvent ne pas être d’accord d’épingler ainsi sur ce « mur des cons » des photos de personnalités politiques ou de citoyens comme le père de cette jeune fille assassinée mais ils n’osent pas résister à l’ambiance du groupe, ils relativisent l’importance de l’acte, ils laissent faire. D’autres ont besoin de camper dans une idéologie qui ne supporte aucune contradiction et recherchent ainsi une cohérence intérieure. D’autres encore sont pris dans le jeu et réagissent comme des enfants pour soulager les diverses pressions qui s’exercent sur eux et dont ils se vengent.
Au delà des condamnations, il faut s’interroger : de tels comportements infantiles ne sont-ils pas le signe tangible d’une déconnection de la réalité qui affecte aujourd’hui une partie de nos élites politiques et médiatiques ?
Ils traduisent également l’état d’une démocratie dans lequel le débat conflictuel nécessaire est remplacé par la violence de l’invective, de l’insulte et de la caricature blessante. La violence ici, c’est le jugement asséné qui réduit l’autre, l’adversaire politique à sa bêtise, à sa connerie. Il n’y a pas de place pour le respect de l’adversaire qui ne partage pas nos idées mais qui néanmoins doit exister autant que nous dans une société démocratique. Il y a de la place seulement pour celui qui pense comme nous, qui a cette intelligence de penser comme nous.
Les magistrat du Syndicat de la Magistrature à leur façon témoigne de cette tragédie contemporaine : la violence qui est dans les têtes et qui préfigure peut-être des affrontement radicaux et sans merci.
( article rédigé avec Nicole Rothenbühler)
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