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samedi 27 octobre 2012

Un monde de gentils et de méchants



Qui sont les gentils ? Qui sont les méchants ?  C’est en ces termes-là que la réalité du monde est simplifiée, voire même trop souvent ignorée. On dit qu’il y a des musulmans gentils- « la masse des musulmans qui vivent leur religion dans le calme et la sérénité »- et des musulmans méchants- les fondamentalistes, les radicaux et les terroristes. Les rebelles syriens sont des gentils qui combattent le méchant Assad et sa clique. Le gentil Assad défend son peuple contre les méchants rebelles, armés et financés par la CIA et le Mossad qui sont des méchants. Les banques sont méchantes qui veulent le malheur des peuples ou restent indifférentes à leur sort. L’ennui est que les gentils et les méchants ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Parfois même, ça se complique : le gentil Obama a succédé au méchant Bush et puis le gentil est devenu un méchant qui fait la guerre en Afghanistan ou plutôt c’est une gentille marionnette manipulée par des méchants de l’ombre. 
Mais comment décide-t-on qui est gentil et qui est méchant ? Ce n’est pas une pensée libre qui décide, qui accepte de ne pas juger quand elle ne sait pas vraiment, qui tient compte de la complexité du monde et de ses enjeux, mais une idéologie manichéenne, forgée très tôt dans l’enfance des individus, leur relation à l’autorité, les blessures narcissiques subies ou l’histoire collective de leur groupe d’appartenance. Les uns s’identifient aux faibles et aux victimes supposées et haïssent les puissants qui les manipuleraient comme ils ont été manipulés eux-mêmes  par leurs parents, en rejetant leur héritage social et en valorisant  systématiquement le dominé et l’opprimé, du moins tel à leurs yeux.. Les autres, maltraités par des parents autoritaires et violents, évacuent leur haine sur des boucs émissaires. Toutes ces blessures d’enfants maltraités, humiliés ou abandonnés, toutes  les blessures de l’humiliation et de l’échec collectifs, telles qu’elles s’expriment, par exemple, dans le monde arabo-musulman ou dans les banlieues françaises, créent des ressentiments, des frustrations et en conséquence une violence verbale qui s’exprime sur le mode accusatoire, complotiste ou victimisant. 

Bien sûr, journalistes, politiciens ou militants  n’utilisent pas les mots des enfants : gentils et méchants, mais ils ont leur propres codes qui disent en fait la même chose en décrivant des réalités angéliques ou diaboliques. De plus, l’imaginaire manichéen du monde intérieur  de chacun est manipulé par les propagandes  qui connaissent bien la séduction de cette division du monde entre le Bien et le Mal.

Ce n’est pas la connaissance de la réalité qui importe aux propagandistes et à leurs récepteurs mais l’émotion qu’on souhaite susciter ou que l’on ressent ainsi que le sentiment de sécurité qu’offre la certitude.

Pour les propagandistes, les coupables sont invariablement les mêmes, sans que soit posée la question des interactions entre les uns et les autres. En lisant leurs écrits ou leurs témoignages visuels, on sait déjà où se situent le bien et le mal, même si l’auteur n’est pas forcément expert sur le sujet. 

Les récepteurs des propagandistes choisissent leur camp et c’est ainsi qu’on peut prédire les opinions les plus extrêmes, même quand elles s’expriment uniquement dans le cercle des proches. Ainsi le geste d’un Andres Brevik comme celui d’un Mohammed Merah sont approuvés par une masse de gens beaucoup plus importante qu’on ne le dit. Même si le crime paraît abominable, l’intention est approuvée pour l’un par ceux qui se disent écrasés et dominés par les manigances des puissants, des juifs en particulier "qui ont tout alors qu’on a rien"  et pour l’autre par ceux qui observent avec colère  "les méfaits  d’une immigration musulmane qui ne respecte pas  les codes et les normes du pays d’accueil. " Ainsi, la pensée manichéenne se répand et divise en camps irréductibles. Ce qui est la condition nécessaire, mais espérons-le pas suffisante, pour de futures guerres civiles.


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