Voici ce
qui me paraît vital pour les années à venir : il nous faut d’urgence apprendre
individuellement et collectivement à assumer notre humanité.
Deux
illusions ont marqué le siècle précédent : le projet révolutionnaire, qui n’a
pas voulu ou pu tenir compte des passions humaines et qui, dans bien des cas,
s’acheva de façon sanglante, et le projet de développement personnel, qui oublia
l’importance décisive de l’environnement social, économique et politique.
Certes, de part et d’autre, il y eut et il y a encore des réalisations
effectives à porter à leur acquis : bon nombre de personnes furent sauvées du
désespoir ou de l’autodestruction par la psychothérapie ou d’autres formes de
cheminement intérieur et personnel. Les luttes collectives ont permis des
libérations et l’ouverture d’horizons. Malgré tout, en ce début de XXIème
siècle, il semble que des dangers nouveaux apparaissent, comme le terrorisme de
masse, les tentations totalitaires et fondamentalistes, le règne du profit dans
lois et l’épuisement des ressources naturelles. L’homme et la planète sont en
danger.
Une
guérison collective est nécessaire qui tiendrait compte à la fois du besoin de
transformation personnelle et du besoin de transformation des structures
sociales. Dans cette direction, mes nombreuses expériences de Thérapie Sociale
en France et à l’étranger m’ont permis d’identifier trois défis principaux pour
le siècle qui commence : former les personnes qui devront accompagner les
processus de réconciliation et de guérison collective, éduquer à la vie
démocratique pour faire face aux tentations totalitaires, transformer la
violence et la folie qui font obstacle à une vie collective épanouissante.
La Thérapie
Sociale répond, la plupart du temps, à des situations d’urgence, mais comment ne
pas voir que ce que favorise ce travail, à savoir la créativité, la confiance en
soi, l’autonomie et la gestion des conflits, fait partie aujourd’hui des
objectifs qui doit se donner une démocratie faible, qui a besoin de se fortifier
pour résister aux tentations du communautarisme, du tribalisme et d’une forme ou
une autre de totalitarisme ?
En effet
une démocratie faible, qui ne favorise pas le dialogue conflictuel et donne aux
citoyens un sentiment d’impuissance, crée beaucoup de désordres, d’inégalités et
d’injustices. Si les citoyens ne sont pas formés à la vie démocratique et en
mesure de « savoir vivre ensemble », le danger est grand qu’ils aspirent à des
solutions radicales et exclusives. Le totalitarisme n’est pas seulement un
régime, il est aussi une attitude qui consiste à répondre aux souffrances vécues
par la nostalgie d’une société parfaite, débarrassée du mal définitivement.